jeudi 10 mai 2012

L'élevage des vers de pommes de terre

Ma Rose de copine dans le blog et dans la vie m’a dit un jour, presque en ces termes : « ma fille, si tu veux donner envie au lecteur de lire ton article, il faut un titre accrocheur ». 

Donc, je n’ai rien trouvé de mieux que celui-ci pour vous appâter, ce qui semble fonctionner puisque vous en êtes à lire ces lignes.

Cependant, l’article qui suit n’a rien à voir avec le sujet dont j’ai envie de m’entretenir avec vous aujourd’hui.

Avertissement : on n’a pas tellement rigolé avec le dernier article sur Miguel Angel Estrella et on ne va pas non plus beaucoup rigoler avec celui-ci !

Bref, une petite révolution intérieure s’est produite en moi et j’ai accompli un grand pas dans la compréhension et l’acceptation de personnes envers qui, jusqu’alors, je n’avais pas vraiment d’empathie. Je vais parler avec une grande franchise et j’espère sincèrement ne heurter personne. 

Samedi dernier, j’ai assisté, avec mon ami, à une conférence intitulée « Rroms d’aujourd’hui, ici et là-bas ». 

Madame Iulia Hasdeu, anthropologue et maître-assistante à l’Université de Genève, nous a raconté l’histoire de ce peuple, ou plutôt de ces peuples, avec humanité et passion. Nous avons découvert des gens se déplaçant fréquemment pour vivre de leur métier d’artisan (fabricants de chaudrons, vannerie, etc.). Selon les époques et la partie du monde où ils se trouvaient, ils étaient tour à tour appréciés, détestés, souvent persécutés, et même esclaves jusqu’au 19ème siècle encore. A ce jour, ils sont régulièrement délogés et déplacés à la périphérie des villes, près de décharges publiques, de lieux insalubres, dans des constructions que l’on ne peut même pas nommer « maison ». De plus, il est impossible de se faire soigner en Roumanie (ceci concerne toute la population, pas seulement les Rroms) sans payer un bakchich au médecin, alors qu’il existe un système d’assurances sociales.

Puis ce fut au tour de Monsieur Yves Leresche, photographe, tout aussi passionné et auteur d’un important travail avec les Rroms en Roumanie et dans les Balkans, de nous faire son exposé. Il a suivi plus particulièrement une famille sur plusieurs années, entre la Roumanie et Lausanne, et ses images valaient mieux que cent mille mots. Par le biais des photos, nous sommes entrés durant une bonne heure dans la vie de Cicci et des siens, et j’en suis ressortie remuée. Sa famille sait  ce que ne rien avoir signifie. Le moindre objet trouvé, matelas, casserole, fil de cuivre, carton, prend à ses yeux une valeur inestimable. Mais le pire de tout, à mon sens, c’est de ne plus avoir l’espoir d’une vie meilleure, et je trouve cela terrible.


Avant ce jour, lorsque je passais devant ces personnes mendiant dans la rue, j’éprouvais au mieux de l’agacement et au pire, un léger mépris, le tout arrosé d’une bonne dose de culpabilité.

Ce n’est pas le fait de les voir mendier qui me dérangeait, c’était plutôt leur attitude, geignarde et implorante. Et moi, bourrée de préjugés (ce sont des voleurs,  etc.), bornée au point de ne même pas me demander ce qui les conduisait réellement à mendier , bien campée dans ma situation de nantie, je passais mon chemin, les remerciant poliment mais froidement.

Depuis ce jour, sans nier que des problèmes subsistent, je les comprends mieux. Et je les regarde, enfin, avec le cœur…..

Et toi, amie lectrice, ami lecteur, que ferais-tu  à leur place ?

Signé :
Roulotte

2 commentaires:

  1. Bien jouer roulotte de m’appâter avec des vers de pommes de terre, telle une pêcheuse tu m'as capturée. Bien t'en a pris, merci pour ton article.

    Je réfléchis aussi à comment dépasser ma première et instinctive répulsion envers les mendiants Rroms (puisque c'est comme ça que tu l'orthographie). Pour rajouter à ton propos je m'aide en pensant que dans une certaine culture chrétienne qu'on trouve plus volontiers dans les pays de l'Est ainsi que dans la culture musulmane, le mendiant fait complètement partie de la cité, il demande au "nanti" de redistribuer sa bénédiction.

    Selon les cultures où l'état social n'existe pas, cette redistribution tient lieu de subsistance pour toute une partie de la population et est vraiment institutionnalisée comme un fonctionnement normal. Le nanti a à gagner une certaine reconnaissance sociale et aussi une reconnaissance divine.
    Depuis, quand je donne un sou, je comprends autrement les louanges que les Rroms offrent au donneur: de nous remettre à Dieu est en quelque sorte le salaire du donneur, une bénédiction.

    D'ailleurs quelque part c'est pas si faux on a eu la bénédiction de naitre suisses, la chance, le privilège. On peut aussi laisser couler cette bénédiction le long de nom doigts dans les mains de ceux qui ne l'ont pas eue.

    ... Mais notre éducation est difficile à dépasser, j'en suis très rarement capable...

    lil

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    Réponses
    1. Merci de ce beau complément à mon article.

      Cordialement,
      Salomé

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